Lorsque l’on tend à vouloir conserver quelque chose, on le chérit, on le choie, on le protège, on l’entoure, on le défend. Une grande partie de son énergie est dépensée à vouloir tout simplement l’englober de tout son être. C’est une tendance naturelle, masculine. Le corps protecteur, le corps responsable. Mais plus cette envie est grande, plus cet amour se transforme en une prison pour l’être aimé. Cette volonté de donner sa lumière propre, quitte à assombrir celle des autres, à les occulter, efface tout doucement le paysage qui entourait habituellement l’être aimé.
Or, sans image comparative, la distorsion se produit dans le regard de l’autre. Une certaine dépendance naît. Vous vous substituez aux autres sources nourricières, qui alimentaient et enrichissaient l’autre. Toute la problématique est là, doit-on aimer au point d’intoxiquer l’autre ou au contraire laisser l’autre se nourrir d’autrui, quitte à se dévaluer soi-même. La question sous-jacente apparait rapidement. L’absence d’amour propre, de confiance en soi pousse l’être qui aime à vouloir faire disparaitre du paysage toute concurrence, aussi loyale soit elle. De là nait la jalousie, le désir de contrôle, l’obsession de la possession exclusive. Une peur incontrôlée et injustifiée de la perte.
C’est un combat quotidien entre la peur de la perte par passivité et l’intrusion excessive, quitte à vouloir façonner l’autre, à se substituer à sa psyché. L’Amour avec un grand A, si on peut ainsi le définir lorsqu’il s’agit en fait d’une dépendance affective, doit être libéré. L’amour doit être cette envie de contact exclusif avec l’autre, mais doit également être abandon. Faire confiance à l’alchimie des choses pour que la relation subsiste par elle-même et non par une action quotidienne, un contrôle destructeur.
Alors, hauts les coeurs ! Laissons l’Amour faire son oeuvre, abandonnons-nous dans ce délice des sentiments, sans vouloir toujours être aux commandes. Accepter que sa barque puisse être portée par des courants, et non soumis à l’action d’un safran, est la première des libérations. Au bout de la course folle ne se trouvent pas exclusivement des écueils mais également des plages désertes, où renaitra une vie riche de diversité, de découvertes et d’un épanouissement nouveau.