Les hommes sont aussi passagers que l’histoire, que leurs croyances successives, que leurs sociétés, que leurs entreprises, que leurs maisons et leurs vêtements : ils sont un miracle qui ne durera pas, une merveille évanescente. Ils brillent quelques millions d’années, et puis ils disparaissent. Ils étaient des agnathes, des reptiles, des primates. Ils seront des machines et des robots. Ils étaient des monstres : ils seront des monstres. A peu près au moment où commencent à retentir les grandes orgues qui chantent la mort de Dieu s’élève une petite musique qui annonce la mort de l’homme. Parce qu’ils sont fous d’eux-même, les hommes croient plus volontiers à la mort de Dieu qu’à la mort de l’homme. Beaucoup d’entre eux s’imaginent qu’ils assistent, en vainqueurs intangibles, de leurs hautes terrasses battues en vain par les siècles, à l’effacement de Dieu alors que c’est le contraire qui est inscrit dans un temps qui emporte et détruit tout et où les hommes ne font pas exception : personne ne peut douter que, dans quelques milliers ou millions de millénaires qui passeront comme une flèche dans mon éternité, les hommes finiront dans, les pires angoisses, par disparaitre un par un sous le regard de Dieu.
Le rapport Gabriel – Jean d’Ormesson