La première loi de notre univers, c’est l’équilibre. […] Le moyen le plus efficace de conserver cet équilibre est de manger nos enfants. Dans toutes les espèces, les enfants sont avant tout un aliment. Ils sont aussi de futurs adultes, mais seulement un petit nombre parvient à cet état futur. L’oisillon est mangé dans l’œuf ou au nid, le levraut au gîte, l’alevin gobé à la première nage.[…]
Il y a longtemps que les enfants des hommes ne sont plus mangés par les fauves, mais bien peu de temps que nous savons les protéger contres les assauts des bactéries, des bacilles et des virus.[…]C’est la grande révolution du monde vivant. Les enfants des hommes ne sont plus mangés.[…]Mais la loi d’équilibre est inéluctable. Une telle modification apportée à la structure du monde animé ne pouvait rester sans conséquence. Une effrayante compensation s’est établie. Le tueur trop bien défendu a vu se lever devant lui un ennemi à la mesure de ses forces et de ses défenses: lui-même.[…] La guerre est un processus d’automutilation déclenché au sein de l’espèce humaine par la violation de la loi d’équilibre du monde vivant.
Barjavel. La faim du tigre