L’Homme, depuis la nuit des temps, tente de dompter la course immuable des aiguilles : du calendrier lunaire à l’horloge atomique, avec toujours plus de précision, comme si la vie pouvait être découpée à l’envie en morceaux plus infimes les uns que les autres. L’homme se considère désormais maître du temps puisque on sait le décrire dans sa plus petite partie. Les scientifiques essayent même de dater l’explosion initiale, celle qui a donné naissance à tout ce que nous savons, mais également à tout ce que nous ne savons pas. Le temps est désormais mesuré, disséqué en centièmes, en millièmes. Il est rendu intelligible, quantifiable et finalement consommable. Le temps, un produit de consommation. J’ai toujours aimé les montres pour la justesse de leur verdict sans appel. Elles mettent tous les hommes sur un pied d’égalité. A l’échelle des lois physiques, qui régissent la vie des hommes terrestres, le temps s’écoule de la même manière aussi bien pour les riches que les pauvres, pour les Occidentaux que les Orientaux. Quoi de plus juste que le temps qui s’écoule !
Mais pour moi le temps a cessé d’être un espace d’égalité ou de liberté. Il se distord de jours en jours, certaines heures passent comme des minutes, d’autres journées deviennent des mois. L’attente, dans laquelle s’inscrit mon avenir, change ma perception de la montre. Telle les cadrans liquides de Picasso, je vois la forme circulaire perdre sa structure, flotter au fil de mes sentiments, comme si la courbe du temps n’était plus sous-tendue par une équation mathématique, mais un amalgame de sentiments, agitation neuronale par excellence. Cette attente devient insupportable, ma vie est suspendue à une décision. Finalement, le temps, garant d’une certaine justice entre les hommes, devient mon juge, le juge de mes sentiments. J’aimerai être éternel pour mettre fin à cette attente, j’aurai ainsi la certitude d’avoir le temps d’arriver à mes fins, puisqu’il n’y a plus de Fin. Mais Barjavel, dans Le Grand Secret, montre que l’accès à la vie éternelle, grâce à la fin de l’action du temps sur le corps humain, ôte également toute envie de vivre l’instant présent ( A quoi bon ! Vivons le présent demain ! ). Il faut donc que je me résolve à vivre le temps présent, même s’il ne comble pas mes attentes, avec cette énorme envie de voir plus, de faire plus et de rendre l’avenir possible, plutôt que de me laisser ronger par l’attente et l’espoir, peut-être vain, de réaliser mes rêves au plus vite. Le temps est à la fois le meilleur allié et le pire ami de l’homme qui Aime.
Tic Tac
- Posté le : 29 octobre 2017
- Catégorie : Etats d'âme
- Par : Le perdu
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