Une armée de talons qui frappent en rythme le pavé, comme autant de galériens, les épaules basses, qui avancent vers le labeur quotidien.
De mes premières lectures de Werber surgissent soudain des images : autant l’organisation quasi sociale de la vie d’une fourmilière conduit petit à petit certaines individualités à prendre conscience de soi, autant « Nous » perdons, tous les jours un peu plus, notre essence. Alors que les petites travailleuses acharnées perçoivent leur place dans la vie et la survie de l’être social qu’est la fourmilière, j’ai l’impression que le repli sur soi du genre humain, poussé par l’effet de masse, signe la fin de la conscience individuelle. Le matin je n’aperçois que des regards vides, creux, posés sur des êtres perdus entre les tracas quotidiens et la fatigue matinale. Les yeux fermés, je me surprends à m’imaginer emporté par une vague tumultueuse aux multiples tons de gris. Je me réfugie au fond de mon errance mentale. Drapé d’une indifférence naïve et coupable, je me laisse porté par le flot impersonnel du « Nous ».